Dominique
Andre est né à Aubusson le 14 décembre 1943; un
an plus tard il échappe au feu d'un bombardement avec ses parents:
banale image de guerre, sa pousette cahote vivement dans la nuit en
flammes, on sauve aussi le poste de radio posé sur le bébé.
Dommages de guerre, le pére de Dominique, Maurice, se remet lentement
d'une tuberculose pulmonaire, avec un seul poumon. Aux côtés
de son beau-père Pierre DUBREIUL, et auprès de ses ainés
Marcel GROMAIRE et Jean LURCAT, le père de Dominique apprendra
son métier d'artiste peintre.
A la libération, la famille de Dominique, père, mère
et frère ainé, seront hébergés Boulevard
Exelmans à Paris dans un petit deux pièces en face du
viaduc de "ceinture".
A cette époque les enfants jouent dans la rue , se retrouvent
dans les carcasses de voitures des terrains vagues, lancent des pierres
à feu, et vont en expédition sur les péniches du
quai de Javel, là où l'été, les plongeurs
et baigneurs improvisent des plages et où les anciens abris servent
de vestiaires...
A cinq ans l'oeil de dominique emmagasine des images, celles bientôt
de l'atelier paternel de la Villa Brune où la famille pourra
rejoindre les autres artistes, peintres et sculpteurs installés
là depuis l'avant-guerre: DUFRESNE, ZINGG, LAURENS, CALDER, BUXIN,
et le grand-père DUBREUIL et son voisin de palier, peintre et
graveur post-impressionniste, Fernand PINAL.
Toutes ces familles d'artistes se fréquentent, pour le meilleur
et pour le pire, les petits-enfants grimpent aux arbres dans le grand
potager attenant aux ateliers vétustes où on partage les
WC; en 1955 Les Godins et les "tubs" font bon ménage
de l'atelier à la cuisine.
De la fenêtre de la chambre à coucher des trois enfants,
on a vue sur le chemin de fer de ceinture, encaissé dans la verdure
des acacias et des lianes, et d'où on peut voir passer deux fois
par semaine le train à vapeur qui charge les 4 CV Renault en
direction des congés payés...
Chaque heures et chaque quart, le carillon de Notre-Dame de bon secours
égrène le temps...
Quartier annexe du Montparnasse de l'entre-deux-guerres le Villa Brune
était encore fréquentée au-delà par de nombreux
artistes en visite chez VALSUANI, le fondeur.
PICASSO y saluait parfois Elvira DUBREUIL, la grand-mère de Dominique,
ancien modèle de RODIN, MODIGLIANI, PASCIN...
De PASCIN on y rencontrait souvent la femme et la maîtresse, Hermine
DAVID et Lucy KROHG, réunies à jamais dans la mémoire
du peintre "cher disparu" et en visite chez leurs vieux amis
Elvire et Pierre DUBREUIL.
Année 50 puis années 60, le père de Dominique,
Maurice ANDRE, est devenu l'un des plus célèbres peintres-cartonniers
de tapisserie contemporaine.
La villa Brune voit tourner des cinéastes, passer des artistes
consacrés...
Avec
la première voiture du père, occasion prédestinée
pour un rénovateur de la tapisserie, une "licorne"
cabriolet, on part en camping retrouver les copains, troglodytes de
la forêt de Fontainebleau dans le drôles de cabanes, où
on pousse jusqu'aux Gorge du Tarn...
Dominique grandit, chargés d'instant précieux, de moments
forts, heureux et douloureux, un peu plus marqué sans doute que
d'autres enfants plus sages.
A dix ans il offre ou vend des dessins à qui en veut.
Ainsi que les pigeons qu'il tire à la carabine à plomb
dans le jardin...
La concierge bretonne est sa meilleure cliente pour les deux...
Le dimanche on mange la tarte aux pommes chez la grand-mère DUBREUIL;
aux murs les huiles de Pierre et PASCIN.
Dans l'atelier on peut aider au tirage des gravures en tournant les
grands bras de l'énorme presse...
A
quinze ans Dominique ANDRE prépare les "ARTS DECOS"
à l'academie Charpentier de Montparnasse.
Reçu à 16 ans à l'Ecole Nationale Supérieure
des Arts Décoratifs, il est élève de LABISSE, PICART-LE-DOUX,
GROMAIRE... Et s'interesse vivement aux activités théatrales
et musicales de l'école; tournées théatrales à
travers la France, fanfares, bals, il est de tous les bons coups; ce
qui l'amènera même à jouer avec PLANCHON au Théatre
Montparnasse, une pièce corrosive et prémonitoire: "La
mise en pièce du Cid".
Bien
sûr dans son premier atelier perché de la rue d'Alesia
les murs témoignent de ses frasques; toiles aux personnages vivement
colorés, année 60 pleine d'énergie et de lumière
montant vers 68...
Il obtient en 65 le diplôme d'encouragement à l'Art et
l'Industrie.
De 72 à 74, il expose au salon de Mai; à cette même
époque on lui décerne le prix du Dôme et il devient
lauréat du prix de la jeune peinture ("Septentrion").
Bientôt Dominique ANDRE s'installera à Montmartre, dans
un petit atelier enfoui avenue Junot d'où émergenront
ses rêves d'espaces, ses souvenirs rapportés des films
dont il assure les décors:
-les grands bleus de Tahiti où il reconstitue la "Maison
du jouir" pour la vie de GAUGUIN, grande série télévisée
réalisée par Roget PIGAUT qui deviendra beaucoup plus
qu'un ami, et dont la disparition récente lui laisse un très
grand vide...
-les grands jaunes rapportés du Sahara, où il repérait
les décors pour un autre film sur l'aéropostale...
Epris également de musique, Dominique a envie de jouer, non pas
comme son frère pianiste, mais comme un vieux jazzman autodidacte,
comme à la guitare que lui ont enseignée les gitans de
Camargue pendant son année de "gardian".
Faire aussi de la musique, se servir des magnétophones, mixer,
monter, faire un disque...
Musique de la brousse Parisienne, de la jungle des villes en stéréo,
pour passer du synthé au chevalet, du son à l'image à
la peinture.
Dans les années 75 il participe à des improvisations sur
France Musique, expose chez Olivetti rue du Faubourg Saint-Honoré...
Il retourne au cinéma pour faire les décors des films
de Claude SAUTET, Roger PIGAUT, Pierre GRANIER-DEFERRE, Samuel FULLER,
Christopher FRANK, George LAUTNER, Gerard OURY, PHilippe de BROCCA,
Francis VEBER...etc...
S'il fait son "cinéma", mais peu d'expositions, ses
toiles pourtant s'accumulent, les idées fusent à travers
la brosse à huile, chargent le regard, bousculent les calculs,
les hésitations, le cinéma de la vie et celui de la fiction
mélangent des couleurs et des ombres vivent, insitent Dominique
ANDRE à peindre sans embarras, puissament et vite, défiant
la lumière avec la certitude instinctive de l'équilibre
et de l'intensité, geste arreté pour marquer les contours
et les limites extrême de l'attention.
Turbulence, mais aussi silence et délicatesse...
L'empreinte
de Dominique ANDRE, filiation des maîtres généré
dès l'enface et confirmé par la formation est celle d'une
personnalité dont le talent s'impose avec une rare évidence,
et ne cesse d'évoluer dans un sillon original, à l'abris
des légèretés de la mode.
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